[derniers poèmes, pour appeler le printemps]
Cycle de la reverdie (suite)
Otium sine dignitate
XVII
Ce mois de mai, je ne peux
Être joyeux, ni souffrant : alors, vaille que vaille !
J’aime ne plus me soucier de rien :
Que ça aille bien ou mal, j’en serai content.
Je laisse tout à vau-le-vent
Sans regarder ce qui part devant ;
Ce mois de mai, je ne peux
Être ni joyeux, ni souffrant : alors, vaille que vaille !
Qui suit Souci, s’en repent finalement ;
C’est un office qui ne vaut rien,
Aventureux comme le jeu de failles ;
Que pensez-vous de ma conduite
En ce mois de mai… ni joyeuse, ni souffrante ?
✵
Presque prose
XXII
Ce premier jour du mois de mai,
Quand je me levai de mon lit,
Dans la matinée,
J’entrai, avec mon cœur,
Dans le jardin de mes pensées.
Dieu sait que je fus saisi d’émotion
Et pleurai, voyant que tout
Avait été dévasté par une terrible gelée,
Ce premier jour du mois de mai,
Quand je me levai de mon lit,
Dans la matinée.
Fleurs et arbres étaient détruits.
Alors, j’ai demandé au jardinier
Si Déplaisance la malheureuse,
Par tempête, vent ou nuée,
Avait causé ce désastre
Du premier jour du mois de mai.
✵
« I cannot see what flowers are at my feet,
Nor what soft incense hangs upon the boughs »
VIII
Quand je regarde ces belles fleurs
Que la nouvelle saison d’Amour prie,
Chacune d’elles devient belle
Et se farde de plaisantes couleurs.
Elle embaument tellement
Que tous les cœurs rajeunissent
En regardant ces belles fleurs.
Sur toutes les branches fleuries
Les oiseaux deviennent danseurs
Et chantent joyeusement
-contrepoints, contre et ténors-,
En regardant ces belles fleurs.

Enluminure d’un manuscrit du Roman de la Rose (Londres Harley 4425, F20 – « Narcisse à la fontaine »).