Je suis toujours un peu surpris, quand j’entends parler d’ « effondrement » ou de « déconstruction », et encore plus quand je vois des conservateurs s’offusquer des « apôtres de l’effondrement » ou cracher ardemment sur « ceux qui veulent déconstruire notre civilisation ». Pour les auteurs du XXe siècle que j’apprécie, il était pourtant clair, parfois dès 1920 (Joyce, Woolf, T. S. Eliot, dada), que tout s’était déjà effondré. La Première guerre mondiale signait déjà la fin de la civilisation, le mot civilisation était devenu un scandale après la violence des tranchées. Que dire alors de ceux qui vécurent ensuite les horreurs de la colonisation, ceux qui vécurent Auschwitz, Hiroshima ou Kolyma ? Tous les grands écrivains qui s’attaquèrent à ces sujets, souvent parce qu’ils les avaient vécus eux-mêmes, étaient clairs sur le diagnostic : tout s’est déjà effondré ; de civilisation, il n’y en a plus depuis longtemps. C’est très clair, par exemple, dans la longue méditation d’Imre Kertész sur Auschwitz, celle de Günther Anders sur Hiroshima, ou celle de Heiner Müller sur l’échec du communisme. Alors, je sais bien que les données sont différentes, qu’on parle de l’effondrement de la biodiversité et de ce qui reste des sociétés humaines, que la déconstruction vise une culture de la violence qui persiste, mais enfin, quand on me parle de « la civilisation occidentale », j’ai l’impression qu’on me parle de quelque chose qui n’existe plus que comme spectre, errant dans quelques esprits chagrins, ou comme ruine d’un monde qui n’a peut-être jamais existé. En tout cas, les écrivains que j’apprécie n’en sont déjà plus à l’effondrement ou à la déconstruction, mais bien à se balader dans des ruines où l’on ne comprend déjà pas grand-chose à ce que cela avait bien pu être, cet étrange objet que les anciens auteurs avaient un jour appelé « civilisation ».
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Parmi les beaux livres publiés chez Le Castor Astral, on trouve « Le Versant noir » de Kevin Gilbert, écrivain et militant wiradjuri, considéré comme le plus grand poète aborigène. Lui qui avait d’abord mis par écrit des récits et chants aborigènes propose dans cet ouvrage des écrits de circonstance accompagnant son militantisme politique : figures d’écrasés par le pouvoir colonial, discours, appels, cris de rage. Je recommande leur simplicité incisive.
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Tenir une ligne.
Ouvrir des fronts.
Anicet.
Écriture fraîche et classique.
Écarter l’inessentiel.
Vider, remplir l’esprit.
« L’esprit » est peut-être une fiction.
Le tourment politique.
Hermétique.
Fatigue dans les supermarchés.
Un brainstorming.
L’absence de résonance.
Le désintérêt politique.
La lutte toujours recommencée.
L’impossible apaisement.
La Peau de Chagrin
Des énigmes pour intellectuels.
« L’élitisme. »
La réforme du bac professionnel.
La librairie de ma rue est très mauvaise.
La pluie, le soleil.
Un pull rouge.
Planète Terreur.
La violence relative.
Le Syndrome du Monde Odieux.
Le recentrement.
Le décentrement.
On a trop bouffé du « territoire ».
Plus de syntaxe.
Une fin, un début.
La haine des métaphores.
Des irrésolutions.
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Illustration : Vassily Kandinsky, Improvisation 4.
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