Horreur cosmique

Dans une ruche, quand la reine est morte, de nombreuses larves reçoivent de la gelée royale. La première larve devenue abeille massacre toutes les larves ayant reçu cette gelée ; elle est alors la nouvelle reine. Je pense à cela à chaque fois qu’on me parle de « vivre selon la nature ». * Il est courant de s’extasier des belles photographies prises par le télescope James Webb. Certaines ont certes une véritable portée esthétique. Mais elles nous rappellent aussi sans cesse notre statut de larves à l’échelle de l’univers, et même de poussières nanométriques. Pour pallier cette forme de désespoir qu’on … Continuer de lire Horreur cosmique

Roue libre (4)

Jamais je ne suis parvenu à réduire l’opposition entre la tristesse de ce que j’écris et mon attitude plutôt légère dans la vie de tous les jours. Pourquoi, à chaque phrase sur le papier ou l’écran, le désespoir semble-t-il pointer son nez, alors qu’à l’oral c’est la recherche permanente du « bon mot » pour faire rire ou sourire ? Il y a peut-être, d’un côté, la formation des premières lectures : quelqu’un qui commence par le milieu du XIXe siècle (Baudelaire, Flaubert, Verlaine, Lautréamont, etc.) va forcément s’habituer à une écriture de désespoir féroce accompagné de quelques éclairs. De l’autre, la difficulté à … Continuer de lire Roue libre (4)

Lave

de longues couléesde lave se transforment en bouepuis la boue en lavetu regardes le phénomène d’en basil te paraît métaphorique mais tu ne sais pas de quoicela vient peut-être d’une phrase de Ginsberg-Bob Dylan dit que parler avec Ginsberg était comme consulter l’oracle de Delphes-où en étais-jetu regardes un volcanle Stromboli sans doute-j’ai connu Stromboli d’abord comme nom de cheval-pas de fumée sans feu : proverbe complotistemétaphore facile : le volcan comme jaillissement, sublime et dangereux tu y vois surtout l’indifférence des catastrophes et après la coulée de lave ayant tout détruit, l’île a gagné en superficie :quelqu’un tire toujours … Continuer de lire Lave

Roue libre (3)

Tout ce qu’un écrivain écrit avec son cœur est voué à l’oubli. Seules ses pitreries et ses demi-vérités seront retenues. Si elles le sont, car le plus probable est l’oubli complet. Souvent, je me rappelle de la dernière partie d’Anna Karénine, de loin la meilleure, et dont peu de gens se souviennent, voire que peu de gens ont lu, car elle se situe après le suicide d’Anna. Au début de ce livre, le personnage secondaire Serge Ivanovitch Koznychev publie son grand-oeuvre, un système politique qu’il a mis six ans à écrire. Il en attend un grand succès, des discussions passionnées, … Continuer de lire Roue libre (3)

Roue libre (2)

L’exigence la plus difficile est d’arriver à écrire des textes à la fois clairs et profonds. C’était l’objet de la théorie qu’on a ensuite appelé classicisme, mais qui s’est en vérité étendue jusqu’au romantisme -les romantiques ont changé d’objets et de valeurs, apporté des variations rythmiques, narratives et descriptives, mais sont restés dans l’ensemble assez clairs. Si Victor Hugo est aujourd’hui l’auteur le plus consensuel, outre ses idées, c’est sa clarté profonde qui fait sa puissance littéraire. Raison pour laquelle les textes de Hugo marchent aussi bien avec les collégiens : les textes sont à la fois riches et plaisants. … Continuer de lire Roue libre (2)

Roue libre (3 février 2023)

Il fallait bien que la fatigue revienne, que les jours s’étirent à nouveau dans le vague. Tout le monde est fatigué, l’époque est fatiguée. On rêve de quitter la cohorte des fatigués pour retrouver l’élite des reposés, on craint de tomber dans le sous-sol des épuisés. Et les questions demeurent irrésolues : « Suis-je fatigué à cause d’un trouble interne ou d’un trouble externe ? Existe-t-il une solution personnelle pour tordre le cou à ce trouble ? Quelle est la place que prennent les crises mondiales (écologiques, sociales, éducatives) dans le fond de ce sentiment ? » On oscille entre haine de … Continuer de lire Roue libre (3 février 2023)

La Rose

étrangers à cette grisaille ces roches planes toi moi le son clair et énergique de l’air comme une balade venue des Balkans ou un film de joie toute ironique toi moi la rose passant de ta main à ma main et tu étais la rose et j’étais la rose nous poussions au bord de l’abîme sur une montagne du Jura ou près des catastrophes les trains passent les voitures klaxonnent au commencement de la rose est sa fin sa durée en perpétuel recommencement je relis mes cahiers et c’est en janvier ma rose que je t’écrivis le plus d’amour – … Continuer de lire La Rose