J’ai commencé l’été avec des projets innombrables, tout à fait intenables, mais je connaissais leur caractère utopique avant même de m’y laisser. C’est le même principe que le Loto ou EuroMillions : on joue pour le plaisir de s’imaginer ce qu’on ferait avec l’argent, en sachant bien qu’on ne gagnera pas ; on fait des projets pour le plaisir d’imaginer ce qu’on serait en les ayant réalisés, en sachant bien qu’on ne les accomplira pas. Ainsi, j’avais en juillet commencé un travail que j’espérais de longue haleine sur les questions de pensée écologique, ce que traduisent deux articles sur ce site ; ils n’ont pas eu de suite. Après le voyage que nous fîmes à Amsterdam, avec Anaïs, je pensais écrire deux ou trois petites impressions, comme l’ont fait beaucoup d’utilisateurs de WordPress (que j’ai lus avec plaisir), mais je n’en ai tiré qu’un article sur un très beau tableau d’Odilon Redon, qui me marqua profondément. Je n’ai rien écrit –du moins ici- durant le mois d’août, faute de quelque chose à construire. J’ai papillonné.
Des lectures : Le Massacre des illusions de Giacomo Leopardi, Le Meilleur des mondes d’Aldous Husxley, La Réalisation du soi de Srimad Rajchandra, Bleuets de Maggie Nelson, Premier Amour de Joyce Carol Oates, et finalement les trois tomes des Origines du totalitarisme d’Hannah Arendt. Sur tout cela, j’ai écrit avec plus ou moins de régularité sur mon journal de lecture, qui se situe ici : https://www.senscritique.com/liste/journal_de_lecture_2023/3371717.
Des écoutes : shame, Thomas Bangalter, Philippe Jaroussky, Nothing But Thieves, et bien d’autres artistes épars. J’ai continué mon exploration des albums récents, ce dont on peut trouver un écho ici : https://www.senscritique.com/top/les_meilleurs_albums_de_2023/3453970. 2023 me laisse pour l’instant un goût un peu moins puissant que 2022, qui fut musicalement une année faste.
Bien qu’habitant non loin, je n’étais jamais allé au musée-mémorial des enfants d’Izieu. Nous y allons donc au début du mois d’août. Je me rends compte que l’endroit se situe tout près d’un mont que j’ai longtemps observé depuis la colline où habitent mes parents. En contrebas le Rhône, qui décidément me poursuit, connait un barrage qui fut édifié pour empêcher les inondations dans la ville de Lyon. Des récits concernant la destruction des juifs d’Europe, j’en ai lu des dizaines, c’est une littérature dont je peux presque me prétendre spécialiste. La progression historique de la question juive en France me fut par ailleurs très bien connue par mes études. Deux choses néanmoins à noter. Tout d’abord, sur le plan historique, le musée d’Izieu est une mine d’or. Malgré le travail durant mes études, j’y ai appris beaucoup. Ensuite, sur le plan émotionnel, il y eut un cap franchi pour ma part, notamment dans la maison même (séparée du musée et qui ne se visite qu’en groupe, sur réservation) : sans la distance de l’objet-livre, et avec la présence des photographies de toutes les personnes, dont la quarantaine d’enfants, assassinées par les nazis, la violence ressentie est beaucoup plus crue. Ni l’organisation muséale ni les paroles de la guide ne créaient de pathos, ce qui est une bonne chose, et la norme depuis Le Chercheur de traces d’Imre Kertész, qui dézingua le musée de Buchenwald (camp dont il était lui-même rescapé), ce musée ayant été entièrement refait suite à son livre. Ne proposer que du factuel, en construisant le récit sur la précision et non sur l’interprétation ou l’émotion, permet en vérité de faire ressortir la violence d’une manière beaucoup plus cinglante. J’ai été bouleversé dans des proportions qui m’ont surprises, et ni le retour à la librairie, où j’ai acheté La Storia d’Elsa Morante (que je voulais depuis des années), ni la contemplation du Rhône, ni le retour à la maison familiale, ne m’ont remis.
De mon passage aux différents lacs qui entourent la maison de mes parents où nous étions en vacances (lac de Paladru, lac de Romagnieu, lac d’Aiguebelette), je n’ai pas grand-chose à dire. Nous avons passé un petit week-end à Nice ; cela faisait très longtemps que je n’avais pas pris le train, devenu bien trop cher quand on est quatre à voyager. Parmi ce que je n’aurai pas terminé durant ce mois : Les Enfants de minuit de Salman Rushdie, et Nietzsche, lecteur de Pascal de Lucie Lebreton ; et, bien sûr, mes préparation de cours pour la rentrée scolaire.
💕
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