Le mot « pédagogie » sonne désormais durement aux oreilles des professeurs. Il est tellement passé dans la bouche des ministres, des recteurs, des inspecteurs, des proviseurs et des formateurs, souvent pour justifier la dégradation des conditions de travail en disant qu’avec une bonne pédagogie il n’y avait plus de classes difficiles ni surchargées, que les professeurs se crispent quand ils l’entendent. Cela amène au discours inverse, à savoir que le nerf de la guerre est le nombre d’élèves par classe, et que la pédagogie est finalement un sujet secondaire. J’ai tenu moi-même ce discours, en vérité sans y croire, par lassitude envers les discours lénifiants et managériaux. Pourtant, on passe nos journées à nous poser des questions pédagogiques : quel exercice pour travailler telle compétence ? quelle modalité de travail ? quels buts dans la séquence travaillée ? quel positionnement par rapport à l’élève au travail ? quels buts à nos matières ? quels buts à l’éducation en général ? Cette dernière question est souvent la moins posée, car les problèmes dans les classes sont terriblement concrets. Il y a une méfiance vis-à-vis des propos théoriques, dont on voit la caricature dans l’éther o volent les « spécialistes en sciences de l’éducation », formule qui suscite souvent un rire amer en salle des professeurs. S’inscrire à une formation pédagogique entraîne parfois la suspicion des collègues : si on s’intéresse à la pédagogie, c’est qu’on est potentiellement un collaborateur du néo-management qui sévit actuellement, un inspecteur en devenir. Les conditions ne sont pas réunies pour qu’on puisse réfléchir sereinement, -cela semble un constat valable pour toutes les strates dans notre société française.
Depuis cinq ans que j’enseigne, j’ai eu l’occasion de voir des classes assez diverses, des collègues avec des méthodes opposées, et de vivre un certain nombre de réussites et d’échecs. C’est la première année où je me sens réellement en difficulté. Niveau très bas, gestion de classe pénible, un grand classique, mais dans des proportions nouvelles. Je me mets à lire de la littérature pédagogique, je discute énormément avec les collègues, et je m’épuise. Il y a alors ce balancement entre l’impression d’être impuissant et la honte de n’en pas faire assez. Impuissance : classes surchargées, compétences de base non maîtrisées, parents en opposition ou absents, résistance à tout ce qui se présente comme scolaire. Honte : on pourrait toujours plus différencier, plus accompagner, mieux connaître les situations personnelles, refaire tous les cours pour telle classe. Au quotidien, on se sent surtout dépassé, pris dans des injonctions contradictoires, en tension pour garder sa sérénité. Là encore, les conditions ne sont pas réunies pour qu’on puisse réfléchir sereinement.
Au moins, on oublie un mythe tenace, celui de la « révélation ». Beaucoup de jeunes professeurs arrivent devant leurs classes en croyant qu’ils vont transmettre le feu sacré, l’amour des livres, des sciences, de la culture et de la beauté. Ceux-là démissionnent très vite, ou acceptent de déchanter, et forment alors une cohorte de désespérés ou de cyniques. Ce genre de langage mystique, qu’on trouve aussi dans le terme de « vocation » pour parler de l’enseignement, a fait beaucoup de mal à la réflexion sur la pédagogie. Par réaction, la réaction du professeur au simple statut de travailleur, oblitérant le prisme social, culturel et politique dans lequel est prise la transmission des savoirs et la construction des savoir-faire, enterre elle aussi la question pédagogique.
Ouvrir des espaces de réflexion serait sans doute souhaitable. Tout ce que je suis parvenu à dire ici, c’est pourquoi je ne suis pas parvenu à ouvrir un tel espace ou à proposer des idées pertinentes. Personne ou presque ne serait d’ailleurs prêt à les entendre, -moi le premier. Peut-être des heures meilleures nous sont-elles promises, peut-être le pire est-il encore à venir, que sais-je. Le tout est de ne pas perdre sa capacité à objectiver ses expériences, pour en creuser la singularité. A force de réflexions préparatoires, peut-être les conditions se réuniront-elles pour un débat plus serein.
🧡
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Un collègue de mon épouse, professeur de Techno a qui on a ajouter des cours de Math a des sixième et cinquième, constate dans l’une de ses nouvelles classes que les enfants ne savent pas ce qu’est une addition qui PLUS est et encore MOINS une soustraction. Il passe deux heures à leur expliquer. Résultat néant ! Ces enfants on perdu toute capacité d’attention et de concentration. Ce sont déjà des petits zombi enchainés à leur smartphone !
Qu’avons NOUS fais à nos enfants ?
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