Des idées en pagaille. Sur le chemin de Rome. Demain trente ans. Dans le bus des visages, des figures, des téléphones. Une voisine joue à 2048, très mal. La vallée de l’Arve, -nous rediscutons, avec Anaïs, de la terrible pollution de cette cuvette. Tunnel du Mont Blanc. Anaïs fascinée par la montagne. Vallée d’Aoste, magnifique. La nuit tombe peu à peu. Je voulais écrire un article, « Été morcelé : projets et obstacles », revenant sur mes aléas de lecture (Proust en suspens), de spectateur (Hokusai en suspens), de professeur (des séquences restent à faire pour les 6e et les 3e). Mais alors : encore un article autocentré ? La série « Un Été avec Hokusai » cherchait plutôt à sortir de ces écritures personnels (mais elle restait, en vérité, très personnelle). Dès mon lycée j’écrivais sans cesse dans mes cahiers que je voulais ne plus jamais écrire « je ». C’est raté. Sans doute cela a-t-il joué, plus tard (je m’en suis rendu compte à retardement), dans mon attrait pour la poésie moderniste américaine, puis pour la poésie contemporaine française qui s’en inspire. Un effluve de pisse s’échappe des toilettes du bus. Le chauffeur monte le son sur une chanson italienne : la même pop internationale que chez nous, boîte à rythme et invitation à danser. À Genève tout à l’heure je remarquai que beaucoup de jeunes garçons ressemblaient à Timothée Chalamet. Ayant lu hier qu’Alain Delon incarnait un beau visage typique de son époque, j’émis l’idée que Timothée Chalamet faisait de même désormais. Sans doute était-ce flatteur pour Chalamet. Peut-être Delon et Chalamet sont-ils deux acteurs qui furent choisis par de grands réalisateurs parce qu’ils étaient ce type d’incarnation, et non pour leur qualité de jeu. On s’en souviendrait grâce aux grands films dans lesquels ils ont joué plus que pour eux-mêmes ? Position sans doute un peu outrancière, qui m’a traversé l’esprit. Vingt minutes d’arrêt à un Autogrill. J’ai faim mais tout me paraît cher et très peu goûteux, je n’achète rien. Dernières lueurs du crépuscule. Sommeil.