Les fictions autour des mondes parallèles pullulent. Cela n’est pas nouveau, mais s’offre désormais une assise plus large dans la culture populaire, notamment depuis le « multiverse » développé par Marvel. Si on en vient à des parodies à succès commercial, comme Everything everywhere all at once, c’est que le principe narratif est ancré dans les esprits.
Je reviens à cette question narrative depuis la lecture du livre de Pierre Bayard, Et si les Beatles n’étaient pas nés?, fiction théorique qui m’a paru d’un profond intérêt. Autrefois, parmi les oeuvres de fantasy que je lisais adolescent, il m’a semblé que Le Lion de Macédoine de David Gemmell utilisait les univers parallèles avec virtuosité. Je ne relirai pas cette saga, car je crains bien d’y perdre très violemment l’enthousiasme de ma jeunesse.
L’idée est riche : celle de mondes proches les uns des autres, différenciés par des choix ou d’infimes variations qui ont entraîné des bifurcations. Tel personnage a choisi de ne pas quitter sa ville natale, la face du monde s’en trouve changée. (Ainsi, chez David Gemmell, Parménion ne devient pas général de Philippe de Macédoine puis d’Alexandre, mais reste à Sparte. La suite de batailles s’en trouve changée, Alexandre ne conquiert pas la Perse, etc.) Chez Pierre Bayard : Brian Epstein ne rencontre pas Raymond Jones qui lui parle des Beatles ; Epstein ne se démène pas pour les faire connaître ; ils demeurent d’illustres inconnus ; les Kinks deviennent le groupe fondemental de l’histoire du rock. Parenthèse : cette histoire de Pierre Bayard donne son titre au livre, mais n’est pas la seule de l’ouvrage. D’autres sont d’un intérêt plus grand, son essai est à lire.
Je n’ai aucune compétence en physique théorique pour commenter la théorie des dimensions parallèles. C’est un autre problème scientifique qui m’amène, de biais, à cette note : celui de la reproduction. Depuis mes trois ans, une question que tous les enfants se posent m’angoisse particulièrement : pourquoi suis-je moi ? Cet étonnement a pris un tour plus profond en 4e, pendant le cours de SVT sur la reproduction, à savoir : notre identité est fondée sur la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule ; or, à une seconde près, ce ne serait pas le même spermatozoïde qui aurait fécondé l’ovule ; la disposition des centaines de millions de gamètes n’aurait en effet pas été la même.
Découvrant dans le même temps (j’ai lu tout David Gemmell en 4e) les fictions autour des mondes parallèles, une évidence m’est apparue, qui ne m’a semblé travaillée par aucun écrivain ni penseur : à une seconde près, ce n’est pas le même individu qui viendra à la naissance. Dans un monde parallèle, même avec des changements tout à fait minimes, ce n’est pas le même spermatozoïde qui féconde l’ovule, donc ce n’est pas moi qui naît. L’invidu portera vraisemblablement le même prénom, mais ce ne sera pas moi.
Les oeuvres narratives maintiennent la fiction familiale : mêmes individus, mêmes enfants. Or, les enfants ne seraient pas les mêmes. La même mésaventure arrive aussi aux parents : ni vous, ni vos parents n’êtes nés dans un autre monde, même à variation infime. Un changement de seconde il y a 3600 ans fait qu’aucun individu n’est le même dans notre monde que dans le monde parallèle où ce changement de seconde a eu lieu.
Ainsi, dans la quasi totalité des mondes parallèles, aucun d’entre nous n’existe.
Intéressante réflexion 👍😃!
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Jolie embardée sur les mondes parallèles !
Pourquoi embardée ? Parce que c’est toujours depuis une parallèle qu’on dévisse dans d’autres parallèles.
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