Papillonnage d’août (2)

Après avoir publié l’article d’hier, je me suis rendu compte que j’y avais probablement oublié l’essentiel. Pourquoi donc avoir publié si vite ? Arrivé au bout de la page Word, en Times New Roman 12, interligne 1,1, une partie de mon cerveau s’est enfuie, considérant qu’un tel article de rêverie éparpillée ne méritait pas plus. J’ai retenu la leçon de « L’article le plus long », un texte de ce blog où j’avais mis beaucoup de moi-même, et dont le titre (annonçant la couleur, c’est-à-dire la longueur) a dû rebuter, puisque c’est un de nos moins lus parmi les désormais cinquante articles que compte cet endroit, qui vient de fêter son premier anniversaire. Et, comme toujours, j’avais envie de me débarrasser de l’écrit ; je termine le plus vite possible, pour passer à autre chose ; quand je relis, je corrige toujours en enlevant de la vivacité, en rajoutant des tournures ampoulées, écrasant le tout sous une syntaxe plus académique. Cette piètre capacité à me relire est l’une des raisons qui fait que je n’ai toujours pas été publié, malgré des années d’écriture. La raison principale en est néanmoins : j’ai honte d’envoyer mes textes à des éditeurs. Je n’en ai, en vérité, pas envoyé beaucoup. La dernière fois, j’ai carrément fait n’importe quoi : j’ai envoyé à une revue que j’appréciais des poèmes que je n’ai pas relu, certains que je venais juste d’écrire. Ils étaient vraisemblablement mauvais. J’ai fait cela parce qu’une fois que j’avais décidé d’envoyer ces poèmes, j’ai voulu m’en débarrasser le plus vite possible. J’ai ouvert le courriel et mis les pièces jointes le plus rapidement possible. La réponse, faite par un poète que j’apprécie, fut évidemment négative, -comme de juste, mais cela m’a tout de même peiné.

Ainsi j’en reviens à l’essentiel, car ce que je publie ici n’est bien sûr qu’une infime partie de ce que j’écris, ayant été un diariste assez prolixe, en date du 28 août et après le constat fait dans le paragraphe qui précède, j’ai tiré un fil psychologique autour de mes blocages et inhibitions. Je n’en parlerai pas longuement ici, non qu’il y ait des secrets, mais parce que l’intime n’a jamais été mon fort en forme littéraire ; je veux dire que, dans mon journal, et particulièrement dans ces derniers jours de papillonnage, j’ai décidé d’abandonner toute réflexion littéraire pour privilégier la dimension thérapeutique, et jeter les mots sur le papier en vrac, pour tirer de ces jets une ou deux vérités sur moi-même. Je fais en vérité de même dans cet article et dans le précédent, car cela me rend tout simplement content. Je voudrais, pour paraphraser Cynthia Fleury, laisser gésir l’amer. Non que mes troubles soient d’une grande profondeur : ce sont des blocages, des hontes, des timidités, des ruminations, que chacun d’entre nous vivent à plus ou moins grande échelle, mais que j’aurais bien honte (justement) d’étaler devant un psychologue, que j’imagine me rire au nez devant la vanité de mes petits problèmes, quand tant de gens ont besoin de soutien pour des traumas véritables et incomparables.

Un autre fait psychologico-littéraire : je ne parviens à écrire que dans l’urgence. Si j’ai deux semaines devant moi, je n’arrive à rien. Maintenant que la rentrée arrive, que j’ai reçu mon emploi du temps, il me prend des envies de noircir des pages et des pages. J’entame un nouveau recueil de poèmes, dont je ne peux pas encore parler, car il est encore au stade de l’ébauche, et mes dernières productions ne me convainquent pas par leur nécessité. A vrai dire, je reste perdu entre mes différents attraits : la poésie, la philosophie, la politique, et bien d’autres à moindres échelles (la musique, le cinéma, la bande dessinée), mais aussi par mes diverses casquettes (qu’on aurait autrefois appelé personae) : mari, père, prof, ami, lecteur, écrivain, gauchiste, tout cela partant dans tous les sens, en injonctions contradictoires. De l’extérieur, la solution toute faite pourrait sembler d’en faire moins ; mais plus je coupe dans mes activités, moins je vais bien. L’équilibre est fragile. Ce pourquoi, fatalement, je papillonne. Si, malgré ces papillonnages, j’écris si longuement sur finalement pas grand-chose, c’est aussi parce que ce sont des papillonnages d’août, et surtout de fin août, et que je voudrais, comme un enfant, que ce mois ne se close jamais.

Une réflexion sur “Papillonnage d’août (2)

Laisser un commentaire