Note sur Théodore de Banville

Théodore de Banville fait partie des poètes oubliés les plus connus. On connaît son nom tantôt par l’intermédiaire de son amitié avec Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé et Paul Verlaine, mais surtout pour avoir accueilli Arthur Rimbaud lors de l’arrivée de celui-ci à Paris, -et plus encore pour les lettres et les dédicaces que lui adressa Rimbaud dans la première partie de son œuvre, avant de renier son influence. En somme, il semble le vaincu du quadrige moderne : Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et Mallarmé sont devenus les figures du canon littéraire. On retient aussi Gautier pour Émaux et Camées, dont la brièveté permet une intense vigueur, que n’ont pas les longs recueils banvilliens. C’est un vaincu de l’histoire litteraire. Je suis revenu à Banville suite à la lecture du livre Les Poètes de la modernité de Jean-Pierre Bertrand et Pascale Durand. L’ouvrage revient sur la centralité de Banville dans la poésie qui se fit sous le Second Empire, dans sa théorie comme sa pratique. Une bonne partie de l’oeuvre banvillienne est disponible sur Wikisource, le reste se trouve assez aisément. Je procède à une lecture par petites touches discontinues : une ode par-ci, un morceau de prose par-là. Je dois dire que tout me plaît. Sa poésie poursuit le style romantique en y ajoutant le trouble du grotesque, dans une atmosphère plus joyeuse et éthérée que celle de la pesanteur hugolienne. On apprécie Hugo pour ses élans épiques, on apprécie Banville pour sa légèreté. En cela, il est la transition nette le romantisme et les poètes fin de siècle. Tristan Corbière, Germain Nouveau, Charles Cros ou Jules Laforgue prennent plus à Banville qu’à tout autre. Son Petit Traité de poésie française est une mine d’or. On y verra que Banville, dans sa théorie comme dans sa pratique, arrive à être à la fois un poète de l’image et un poète de la syntaxe, pour reprendre la distinction établie par Pierre Vinclair. Il est de ces poètes habiles, profonds et sympathiques, comme il en est une petite centaine par siècle, -et comme même les plus érudits d’entre nous ne vont pas jusqu’à connaître cent poètes par siècle et par pays, on oublie celui-ci ou celui-là, dans des modalités historiques souvent absconses. Que Banville sorte au moins relativement de son oubli relatif me serait doux ; j’en recommande donc la lecture.

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