Riens : Tacite, Wikipédia, marche

J’utilisais le terme « riens » avant que Régis Debray en fasse le titre d’un de ses livres. Le mot est sympathique, puisqu’il permet de parler à la fois de quelque chose et de rien.


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Si je reviens chez Tacite, c’est parce qu’il y a de l’aplomb dans sa phrase. Bien sûr en latin, mais aussi dans n’importe quelle traduction. (J’aime avoir le latin à côté mais, dans cette langue comme dans les autres même quand je les maîtrise bien, je préfère commencer par le français et vérifier ensuite dans l’original, faisant probablement l’inverse du sens logique.) Il y a sa manière cinglante de dresser le portrait, d’un personnage ou d’un peuple. Toute sa recherche consiste à donner des caractères de chefs : mauvais chef, bon chef. Il distribue les points depuis ses hauteurs, d’où il regarde la tourbe des empereurs violents et des peuples médiocres.


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Dans La Germanie, deux failles amusantes : sa description des Haries, qu’il considère comme le peuple germain le plus effrayant ; -une note de bas de page indique que ce peuple n’existe pas. La toute fin du livre se termine par l’aura de légende quand on approche de l’actuelle Russie : il y aurait, à ce qu’il a entendu, des guerriers mi-hommes mi-bêtes. La dernière phrase contient son refus de trancher sur leur existence ou non.


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On a envie de se moquer de la conception latin du monde entouré par le « grand océan », dont parle sans cesse Tacite pour qualifier ce qui se situe au nord des Germains. (Tacite considère la Scandinavie comme une île proche du bord du monde.) Méfions-nous néanmoins : dans deux mille ans, si une humanité demeure, les jeunes étudiants se moqueront sans doute des conceptions de l’univers qui sont les nôtres aujourd’hui. Et puis, en vérité, le grand continent africo-asiatique, dont l’Europe est une péninsule, est bel est bien entouré d’un grand océan…


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Onze ans plus tard : la France est condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour le meurtre de Rémi Fraisse (2014), militant écologiste qui luttait contre le projet de barrage à Sivens, projet finalement abandonné suite aux recours judiciaires. Le même jour, le projet d’autoroute 69 est rendu invalide par un tribunal administratif.


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Le Point lance une vaste croisade contre Wikipédia, avec des articles plus stupides les uns que les autres. Les journalistes qui pondent ces textes semblent n’avoir aucune connaissance du fonctionnement de l’encyclopédie en ligne, ni n’avoir fait la moindre recherche dans l’historique des pages qu’ils traitent. Cela nous donne au moins, très visible, un exemple de trumpisme à la française.


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Sur Wikipédia je tente péniblement d’améliorer la page de Heiner Müller. J’y avais travaillé autrefois, et je découvre que la partie biographie est ridiculement mauvaise. Qui cela intéresse-t-il, d’ailleurs ?


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Une des seules fois où je me suis intéressé aux questions d’actualité sur Wikipédia, c’était au moment d’un raid d’extrême-droite sur la page d’Éric Zemmour, où une dizaine de contributeurs sortis de nulle part attaquaient violemment toute personne qui osait soutenir l’idée que Zemmour était d’extrême-droite. C’était pénible et stupide.


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La seule page que j’ai menée à un « label » (une pastille issue d’un vote communautaire qui reconnaît l’article comme bon), c’était il y a treize ans, sur l’article Robert Delaunay. J’en tiens une preuve que je m’ennuyais beaucoup en classe de terminale.

Robert Delaunay, Autoportrait.


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Tout ceci, ces riens, ces bribes, ces fragments, peut-être pour m’excuser de n’avoir pas « avancée », de ne pas avoir de journal de type « Avancées » du mercredi, ni de poésie du dimanche car aucun recueil n’est arrivé, un imbroglio trop complexe à démêler, si bien que je n’ai rien commandé de nouveau.


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L’envie d’écrire pour soigner les objets, concrets comme abstraits. Écrire avec tendresse, pour une fois.

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Le beau temps revient et donc les marches. J’ai déjà beaucoup parlé de marches en montagne, et j’ai peur de sans cesse revenir aux mêmes truismes, la-nature-c’est-beau-ça-apaise-ça-permet-de-se-ressourcer. C’est vrai, et désormais les neurosciences semblent apporter du crédit à ces évidences : le cerveau va mieux quand il dispose de moments de contemplation de la nature. Mais, pour une balade en forêt et près d’une rivière, il m’a souvent paru que Chateaubriand et Clemens Brentano en avaient dit l’essentiel. J’aime, sur des blogs, lire des récits de marches, c’est même parmi ce que je préfère ; cependant, aujourd’hui, je ne me sens pas de dire quoi que ce soit d’intéressant. Voici donc simplement quelques photographies.


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Alors que j’étais un peu morose pour des raisons futiles (mois de février avec le moins de vue sur le blog depuis longtemps ; impression de galérer dans mon travail sur la poésie contemporaine), P. V. m’envoie un message pour me dire qu’il m’envoie deux recueils. Cela fait plaisir. Les affaires reprennent, ou reprendront, du moins, même à pas minimes, on avance.

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