On m’indique, par désertion, que ce journal patine. Non pas que les statistiques me passionnent, mais, quand je constate que cette série d’articles obtient beaucoup moins de vues et de réactions que les autres, je m’interroge. Comme l’écriture a toujours été pour moi le lieu des remises en questions, de la suspension des certitudes et des habitudes, cela a aussi l’avantage de justifier mon réflexe primesautier : il faudrait abandonner cela, passer à un autre mode d’écriture, vingt articles de ce type sont bien assez. La surprise vient sans doute de ce qu’au début de cette série, c’est pour elle que je reçus le plus de messages encourageant, de type « c’est intéressant », « c’est bien de lire sur le travail d’écriture au quotidien ». Cependant, il faut dire que ces messages venaient souvent de gens qui tiennent eux-mêmes des blogs d’écriture : peut-être est-ce un type de travail qui n’intéresse pas le lecteur normal, seulement l’engagé dans une pratique d’écriture. Hypothèse désormais courante en critique : il y a les œuvres pour lecteurs lambda et les œuvres pour écrivains. -Probablement, maintenant que j’ai évoqué la possibilité d’arrêter ce journal, je recevrai des messages m’invitant à le continuer. Pourtant, ce paragraphe suspendu n’est pas un chleuasme, cette figure de rhétorique qui consiste à se déprécier dans le but que l’interlocuteur nous fasse un compliment. Sans doute est-il temps d’aller vers d’autres horizons. En attendant, voici une livraison dernière, ou pénultième, ou anté-pénultième, ou dernière avant la suivante, qu’importe.
Ces sept jours, je ne me suis fixé absolument aucun objectif. La gestion des affaires courantes, dans le cadre de nombreuses activités et d’une fatigue généralisée, était déjà suffisamment prenante. Je sortais de vacances chargées puis d’un tunnel de copies. Le weekend, nous nous rendons au mariage de J. et LH., à Béziers. Ce mariage fut très beau, aussi bien la cérémonie dans la cathédrale, que le cocktail et le dîner et les personnes présentes. Revoir plusieurs camarades de classes préparatoires fut un profond plaisir. Nous avons peu dormi. Au retour commencent les travaux de façade dans la maison que nous louons. Échafaudages partout, besoin de faire le lien entre les travailleurs et notre propriétaire qui gère à distance. Ils doivent couper le magnifique jasmin qui recouvrait une grande partie de la face avant. C’est un crève-cœur.
J’ai très peu avancé dans la lecture d’Hölderlin au mirador d’Ivar Ch’Vavar. Aussi n’ai-je bien sûr pas proposé de chronique dimanche dernier, mais j’y arriverai probablement ce dimanche-ci. Évidemment c’est un livre puissant, face auquel je me sens un peu penaud, mes deux principales entrées dans la poésie contemporaine (Yves di Manno et Pierre Vinclair) ayant loué ce livre. -Écrit quelques textes en prose, rien de bien intéressant, mais de quoi lancer d’autres choses, ouvrir un nouveau fichier. Je ne peux encore parler de ce qui s’y trouve, encore moins de ce qui s’y trouvera, mais j’aimerais réfléchir aux manières dont plusieurs de mes auteurs préférés ont pensé leur rapport à l’écriture. Sans doute est-ce déjà du vu et revu, -du moins dans l’idée de principe, car je n’ai pas de souvenir d’un livre strictement dans cette dynamique, -cela pourrait néanmoins me mener vers autre chose, peut-être. Je projette quelques idées, quelques phrases éparses.
Travaillant sur un texte consacré à Heiner Müller et à son Philoctète, je tombe sur ce superbe article universitaire : https://books.openedition.org/pufr/9954?lang=fr. Cela m’a redonné envie de travailler sur la page Wikipédia consacrée à Philoctète, que j’ai laissé en plan depuis plusieurs mois, dans une de mes habituelles impulsions velléitaires rapidement abandonnées. Je découvre par la même occasion que Seamus Heaney a écrit, en 1990, une adaptation de la pièce de Sophocle, intitulée The Cure At Troy et visiblement encore non-traduite.
Finalement, le mardi et le mercredi, j’avance dans la lecture d’Ivar Ch’Vavar, sais déjà en partie ce que je vais en dire. J’ai l’impression de m’intéresser trop aux côté thématiques, plutôt qu’aux côtés prosodiques. Peut-être est-ce peu pertinent, surtout concernant cette œuvre ; je ne sais pas. -Nous prenons les réservations pour nos vacances d’été. -Les ouvriers commencent à casser la façade, le jasmin n’en a plus que pour quelques heures. -Je commande un livre d’Hervé Micolet et un autre de Guillaume Vissac. -Je songe à ce que je vais devoir lire pour préparer le jury du bac de français. -Tout s’entrechoque mais, mercredi à 16 h, je ne suis pas trop fatigué. J’ai revu mes ambitions à la baisse. Je continue de ralentir, tout doucement.