Baron Wenckheim
Il ne s’attendait pas
à ce qu’on l’attende.
Il revient d’exil ;
son retour est le véritable exil.
Il est stupidement romantique,
le peuple est stupidement romantique,
les chefs sont stupidement romantiques,
mais pas de la même manière ;
leurs romantismes s’entretuent.
La Hongrie se meurt,
le Baron se meurt ;
c’est la faute du Baron,
c’est la faute de la Hongrie.
Tous tournent en rond.
Foule déboule, train roule,
à la fin ça percute.
Il ne s’attendait pas
à ce qu’on l’attende.
Tango de Satan
Nietzsche voulait un dieu qui dansât,
c’est-à-dire qu’il voulait le diable.
Les démons attendent un messie,
eux aussi.
Au commencement est la fin,
la genèse est apocalypse.
Entre les deux apparaissent
les magiciens
affligés
par les rêves et la crasse.
Commence le grand exode
qui amène à autre désolation ;
mais, au moins, on aura
fait quelque chose.
A la fin, ça recommence.
Seiobo
Les prêtres savent mieux que quiconque
l’imposture qu’est le sacré.
Pourtant ils l’entretiennent sans hypocrisie :
sans ce mensonge, c’est la mort.
L’artiste aussi sait sa propre imposture,
mais fait mine de croire à l’art.
Et parfois, c’est beau.
Cela valait peut-être la peine.
Comme chez Tarkovski ou Bernanos,
on a là un certain type de fantastique :
le divin est peut-être présent,
mais la certitude n’existe pas.
De même on revient à la ligne,
et on appelle ça poèmes ;
peut-être la poésie est-elle là,
mais la certitude n’existe pas.
Mélancolie / Résistance
Béla Tarr n’a pas compris
la dimension politique de Krasznahorkai ;
sans doute n’a-t-il pas voulu comprendre,
préoccupé ailleurs, mais c’est dommage.
L’apocalypse est politique :
c’est une émeute parmi d’autres ;
et le Jugement dernier,
c’est le retour de la dictature.
Les dépressifs deviendront heureux,
les naïfs connaîtrons le désespoir.
Les épaves se réuniront
autour de la baleine.
Tout sera chaotique, en
particulier le retour à l’ordre.
L’apocalypse est
une genèse.
Guerre / Guerre
Tout s’effondre
et s’effondre.
L’apocalypse a déjà eu lieu,
mais elle recommence.
Palais, cathédrales, armées,
World Trade Center, culture,
tout s’effondre,
et s’effondre.
On continue de rêver
à l’éternité.
Une réflexion sur “Pour László Krasznahorkai”