Les déménagements obligent à contempler son bric-à-brac. Des objets cachés se révèlent. Certains ont échappé à la mémoire, on les regarde d’un air stupide. D’autres rappellent des souvenirs enfouis : cadeaux, évènements, personnes auxquelles on n’avait pas pensé depuis des mois ou des années. Cela vaut aussi pour la bibliothèque : on avait placé des livres en arrière, les jugeant moins importants, et faisant les cartons on se surprend : « Tiens, j’avais ça ? » Ainsi, par exemple, me retrouvais-je avec dans les mains Zaïre de Voltaire, dans une petite édition ancienne. Je l’ai lu d’une traite et dois avouer avoir bien apprécié. On a là une excellente tragédie classique, meilleure en tout cas que certaines pièces moins connues de Corneille ou Racine. Je fais cette remarque à Anaïs, qui me dit que comme moi elle apprécie tout de Voltaire, sans jamais pouvoir le considérer comme un de ses écrivains préférés. C’est toujours bien, jamais un chef-d’œuvre.
La masse accumulée fait tout de même un peu honte. J’ai repensé à une page de Journal d’un raté d’Édouard Limonov, où il observe des déménageurs enlever ce qui se trouvait chez un de ses voisins décédé, -il songe alors à l’absurdité de cette accumulation. Alors on jette, mais on a aussi honte de jeter. Il aurait fallu ne pas acheter, ou ne pas recevoir, mais au moment où l’on a acheté ou reçu, on avait besoin ou était heureux de cette chose. D’autres se sont usées, cela ne tient plus, et Dieu sait que j’ai bien du mal à jeter des choses, mais j’ai dû le faire.
Vient ensuite la reconstruction de la bibliothèque. Borges dit que le classement de sa bibliothèque est déjà de la critique littéraire. Une fois que je récitais cet aphorisme devant Anaïs, elle me répondit : « Tout à fait, et d’ailleurs il est inconcevable que Martin Heidegger soit plus mis en valeur que Berserk. » J’étais on ne peut plus d’accord. Que mettre en valeur ? Plutôt la poésie, les livres reliés, les beaux livres consacrés à la peinture, les classiques, les mangas, l’histoire, la philosophie ? Classe-t-on par genre, par auteur, par époque, par affinités, par édition ? Cinna de Corneille, dans « classique », dans « théâtre » ou dans « scolaire » ?
Depuis tout petit j’ai un rapport d’abord visuel à ma bibliothèque. Je classais les livres par couleur, donc structurellement plutôt par édition. Je m’y retrouve parce que je me souviens dans quelle édition j’ai acheté et lu tel livre. Souvent, quand des gens les voient, ils me disent que ces bibliothèques sont rangées de manière presque maniaque, façon polie peut-être de suggérer que je suis un névrosé du livre.




Je range comme toi, par collections…
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Une tache à entreprendre. On me demande de l’alpha…Mais d’abord, gagner de la place. Procrastination…
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Touchant et… rassurant!
Je reconnais « mes » Lagarde & Michard; Bouquins; poésie Gallimard; 10|18; Folios; Classiques Garnier; etc. 😅😇
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Le coup d’œil est agréable. C’est frais, aéré et visiblement riche en contenu. Me fait penser à la bibliothèque de « Walser » sur le réseau X (@Litteraire20). Je n’ai jamais réussi à ranger mes livres par collection, du moins ç’a n’a jamais tenu le coup plus de deux semaines. Par fierté, je ne montre aucune photo…
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