Une de mes activités favorites est la balade en zone artisanale. Je ne le fais jamais de moi-même, seulement à l’occasion. « Occasion » signifie : quand la voiture est au garage ou en contrôle technique. Comme j’ai beaucoup déménagé, j’ai vu des zones dans divers « territoires », ainsi que le langage administratif les appelle désormais. La plus mémorable fut sans doute celle de Combs-la-Ville, après qu’une Clio déglinguée m’eut laché sur le périphérique parisien. Mémorable parce qu’interminable jusqu’à l’absurde, et parce que je faisais un périple à pied après un périple en RER pour m’y rendre, dans un état de tension pénible (c’était au-milieu de la préparation à l’agrégation). Cette fois-ci, je me retrouve au pied du Grand Colombier, et je songe qu’au lieu d’écrire une « Envergure du Grand Colombier » comme je l’imaginais dans un autre article, je serais bien meilleur pour écrire une « Envergure de la Z. A en Bachay ». Projet vain, comme d’autres. J’entrai pour la première fois dans un magasin Gedimat, regrettant mollement de ne pas comprendre les tenants et aboutissants des matériaux qui s’y trouvent. Je crus d’abord que la déchetterie était interminable, mais c’est en vérité la « société métallurgique », dans la continuité, qui l’était. Des tôles et des métaux tombaient irrégulièrement, envoyant un écho dans toute la plaine (on entend très bien ces chutes depuis le chemin ouest du Colombier). Le but était de trouver le chemin qui mène à la gare, que je n’avais encore jamais pris. Après cette ballade, l’intégralité de cette petite ville me serait connue. Ville coupée en deux par une motte de terre abrupte. Après la déchetterie, une menuiserie, un autre magasin de matériaux pour artisans, un centre SNCF. La route est peu passante, on entend soudain les oiseaux. Alors surgit une petite barre d’immeuble sur la gauche. Coincée entre la motte et les voies du train (ligne Genève-Lyon). Devant, une sorte de terrain abandonné, avec des bennes et des palettes. Derrière la motte, le Grand Colombier.

Je m’assois ensuite dans l’herbe pour terminer enfin Les Techniciens du sacré de Jerome Rothenberg, mais finalement j’écris ceci. Les automobilistes me regardent d’un air surpris. Cela m’est arrivé souvent : les gens se demandent ce que l’on fait assis dans un non-lieu. Mais ici, la barre d’immeuble rend l’endroit moins évidé que dans les zones que j’ai pu traverser à d’autres moments. Présence humaine cachée, on suppose que ce sont des habitats à loyers modérés, avec vue sur des rails et bruit continuel des objets chus dans la déchetterie ; « gare accessible à pied, toutes commodités proches », dirait l’annonce. Moins évidé, ou évidement rendu plus criant, selon le regard de l’un ou de l’autre. Il est temps d’aller récupérer la voiture.

« Je m’assois ensuite dans l’herbe pour terminer enfin Les Techniciens du sacré de Jerome Rothenberg, mais finalement j’écris ceci. Les automobilistes me regardent d’un air surpris. Cela m’est arrivé souvent : les gens se demandent ce que l’on fait assis dans un non-lieu… » Les gens semblent souvent surpris de voir quelqu’un assis à lire sur la place publique.
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Tiens, je ne suis pas le seul à réagir à cette petite phrase « Cela m’est arrivé souvent : les gens se demandent ce que l’on fait assis dans un non-lieu. »…
Je confirme, au vu de mes écrits lors de mes pérégrinations aux alentours de mon logis (et qui ne ressemble pas du tout à une ZA ou un quelconque territoire administratif virtuel…).
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Que la grande majorité des gens (eux-mêmes de passage, il faut rappeler ^^, ce qui est quelque part, un peu absurde à la Monty python…) s’interrogent sur le fait qu’on prenne le temps, et de s’asseoir, et d’écrire (même sur un écran !), dans des (pseudos) non-lieux…
Grand bien leur fasse.
Nous, on écrit et on se pose, en pause sur le monde (local, c’est déjà pas mal…).
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