Disparition auditive

Une expérience étrange m’arrive avec La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg : j’ai écouté ce morceau un grand nombre de fois, l’ai apprécié lors de chacune de ces écoutes, mais n’en retient absolument rien. Quand on repense à un morceau qu’on aime, normalement reviennent quelques mesures, au moins partielles et approximatives. Pour les morceaux préférés, on peut même se repasser toute l’œuvre dans l’esprit. Là, rien, et ce malgré le souvenir d’une appréciation très positive. Les premières écoutes remontent à mes quinze ans, au moment où je découvrais réellement la musique, et l’œuvre passait régulièrement entre un mouvement de symphonie de Beethoven et Heligoland de Massive Attack. Plus tard, je l’ai souvent écoutée entre le quatuor à cordes n°8 de Chostakovitch et le concerto grosso n°1 d’Alfred Schnittke. Ce sont de bonnes œuvres pour accompagner la lecture d’Adorno ou de Pascal, puis méditer sur l’horreur d’exister en général, et dans le monde contemporain en particulier. Aussi, quand je repense à La Nuit transfigurée, les notes qui me viennent à l’esprit proviennent tantôt de Chostakovitch et de Schnittke, parfois, plus bizarrement, de Beethoven ou de Massive Attack. J’ai mené l’expérience et ai réécouté l’œuvre de Schönberg pendant que je commençait la rédaction de cet article. L’œuvre m’a à nouveau extrêmement plu. Je n’en ai absolument rien retenu.

5 réflexions sur “Disparition auditive

  1. C’est vrai, La Nuit transfigurée n’est pas une œuvre que l’on retient, c’est une œuvre que l’on traverse. Elle ne laisse pas de mélodie, mais une trace, une empreinte, un frisson. Elle marche en nous comme on marche dans une forêt obscure, les yeux fermés, le cœur ouvert. Et tout au bout, il y a la lumière — discrète, fragile, mais nous guidant vers sa sortie.
    Je ne l’avais pas écouté au moins depuis 20 ans.
    Merci

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