Cette semaine, à part les quatre articles publiés ici, rien écrit. Des copies, des bulletins, des conseils de classe de 3e, de l’orientation, de l’oral du Brevet. Parmi les quatre articles écrits, celui sur Charles Pennequin m’a donné beaucoup de plaisir. Revenir vers des auteurs qu’on apprécie, sur lesquels on a déjà deux ou trois idées, est plus facile et plus réjouissant que le difficile défrichage. La facilité entraîne moins d’efforts, aussi ai-je moins « progressé » dans ma connaissance de la poésie contemporaine cette semaine, par rapport aux autres.
La série sur les Minima Moralia d’Adorno m’oblige un peu plus à sortir de ma « zone de confort », comme on dit. Je commence à connaître Adorno (comme amateur bien sûr, non comme universitaire). Travailler aphorisme par aphorisme permet d’essayer diverses positions, mais il faut que je réfléchisse plus à mes intentions. Tantôt c’est un commentaire, tantôt j’actualise et relie ça à d’autres auteurs ; -mais, en arrivant au quatrième aphorisme, et surtout au cinquième, je me rends compte qu’il faudrait que j’aille plus directement dans mon rapport personnel au texte. Quand je lis de la philosophie, je prends toujours le texte d’abord personnellement : je me demande comment intégrer cette pensée dans mon propre rapport au monde. Le lecteur bénévolent se dira que c’est plutôt une bonne chose, cette appropriation. Pourtant, de là provient mes échecs scolaires répétés en philosophie : je m’intéressais trop à moi-même et pas assez à la matière du texte. Fatalement apparaissaient les erreurs d’interprétations, les idées tronquées, les à-peu-près. Sur la question adornienne de la bonne humeur, je suis pris personnellement : à partir du lycée, j’ai décidé de me forcer à la bonne humeur pour m’intégrer au monde. Cela a bien marché, j’ai d’ailleurs eu des amis formidables, que je n’aurais pas eus en restant le renfrogné que j’étais avant. Mais tous les soirs, je me demandais si tout cela était bien authentique, si je ne jouais pas un rôle pour supporter la vie. Aussi, le démolissage qu’Adorno opère concernant la bonne humeur, qui fonctionne comme voile jeté sur l’horreur du monde, empêche de penser cette horreur et donc l’accompagne, me concerne-t-il au premier chef. Quelque chose qui hante toute personne avec un sens moral : faire des blagues, écrire des poèmes et analyser des tableaux alors qu’un génocide est en cours et que l’humanité est en péril, sérieusement ? Aussi, face à ce cinquième aphorisme, avant même de me poser la question du changement ou pas à mener dans mon existence, se pose une questions d’écriture : faut-il l’aborder sous l’angle personnel (et donc risquer de raconter sa vie, alors que ce n’est pas le sujet) ou faut-il faire comme si on dépliait froidement le texte (au risque de passer aux côtés des enjeux profonds) ?
Les deux autres textes de la semaine ont été écrits trop vite. J’ai envisagé de les supprimer, mais je sais trop que les erreurs ont leur valeur, je les laisse pour mémoire, pour me rappeler de ne pas écrire ainsi. Ils me rappellent ma première manière d’écrire, celle de mes quinze à vingt ans ; heureusement, j’ai progressé depuis ; enfin, j’espère. Dans cette période, j’ai eu ce syndrome de toute personne en train d’ingurgiter de l’art et de la culture à toute vitesse, syndrome qu’il m’arrive d’appeler « syndrome Michel Onfray » : on se sent légitime à parler de tout, on donne un avis tranché sur tout ce qui nous est passé sous les yeux, même et surtout quand on ne le maîtrise qu’à moitié ou au tiers, on s’intéresse surtout à son propre style et à ses bons mots, et évidemment on se prend alors pour Nietzsche. Risible, -mais, si on n’était pas passé par là, on ne serait pas là aujourd’hui.
Si l’on est peu charitable avec soi-même, c’est qu’on souhaite autre chose. On a besoin de progresser. Ce sont les remarques les plus acerbes qu’on m’a envoyées et que je me suis envoyées qui m’ont permis de reconfigurer mes actions, d’avancer. Le ralentissement n’est pas l’inertie : on prend le temps avant un saut.
Chacun ses rouages, ses galaxies, pour avancer (je me réfère à l’illustration d’en-tête).
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