Avancées (29) : 16 juillet 2025

Il faudrait peut-être que je sois plus terre à terre. C’est ce que j’avais commencé à faire, en début d’année : compter les articles publiés, les pages écrites, les réflexions pas à pas sur la poésie, les éventuels progrès intellectuels opérés, voire le nombre de vue sur le site, les discussions avec telle ou telle personne du milieu littéraire, les tentatives de création de livre, les lettres envoyés à éditeur, et bien d’autres actions, souvent tues, prises pour naturelles par les gens insérés dans le champ littéraire, et qui me demeurent des peines et des objets d’anxiété. Cependant, me tiraille d’un autre côté la tentation de l’abstraction, et d’un autre côté encore la tentation de recueillir des fragments épars de vie et de visions, de faire, comme le font beaucoup de blogueurs que j’apprécie, un recueil de « choses vues ».

Après la lecture de Guerre et Paix, j’enchaîne les lectures, comme si je devais rattraper un décompte de livres à lire chaque année, -absurde, risible, réflexe irrémédiable d’individu de l’ère numérique. Lu le petit Philippe Beck, Abstraite et Plaisantine, chroniqué ici ; cela m’a fait plaisir de replonger dans un monde dense d’énigmes et de pensées profondes. Cela m’a permis d’approfondir un certain nombre de traits déjà travaillés sur d’autres livres : Dominique Quélen, Esther Tellermann, Pierre Vinclair, Hervé Micolet… A chaque nouvel article, je dois rappeler que les poétiques de ces auteurs sont bien sûr radicalement diverses, et tracer des liens qui sont peut-être liés uniquement au hasard des lectures, -de même que je relie Camille Ruiz, Xavier Makowski et Hervé Micolet sur le thème du deuil (et parce que lus pour la même série de chroniques), alors que chacun trouverait peut-être cela étrange.

Lu ensuite Les Lusiades de Luis de Camoens, que je voulais lire en entier depuis longtemps, dans le bateau entre Nice et Île Rousse, puis sur la plage à Galéria. Enchaîné avec deux Agatha Christie. Je commence à avoir lu et vu trop de policiers : le dénouement du Crime de l’Orient-Express m’a été limpide bien longtemps avant les dernières pages. Pourtant, quand je cherche sur internet des listes avec « les meilleurs romans policiers », je n’ai lu presque aucun des présents. Je commence Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny : c’est au programme de première l’année prochaine ; je n’aurai pas de lycéens, mais la probabilité d’être appelé pour le bac est très grande, et je lis par curiosité tout ce qui tombe de neuf et que je n’ai pas lu.

Amorcé un « long poème » dans un cahier noir offert par ma mère. Ce besoin de transcrire des choses vues, du quotidien, l’aspect éclaté du réel, tout en réfléchissant dessus, tentant de faire avancer les mots et la pensée vers le chaos, apprécié d’en être repoussé comme on apprécie être renvoyé sur une plage par les vagues. Je fais des essais de « vers libres mesurés », solution de celui qui n’aime ni écrire en vers libres, ni compter les syllabes. Que veut dire « vers libres mesurés » ? Je ne vais pas m’étendre pour l’instant, ce serait trop brouillon, pas assez sérieux ; il me faut du temps pour rassembler mes idées.

Plage le matin. L’après-midi, temps calme pour les filles et travail pour les parents (écriture, projets divers, lectures scolaires…). Fin d’après-midi, plage. Cela avec des variations, depuis trois jours et pour encore une semaine et demie. Les Anciens de la famille (le terme fait respectueux à l’écrit ; mais, à l’oral, nous les appelons « les vieux ») parviennent beaucoup mieux que moi à ne rien faire. Le soleil et le paysage invitent à ne rien faire, j’ai essayé d’évoquer cela dans le petit poème publié hier. De mon côté, mon esprit a le réflexe de chercher de quoi faire, de quoi avancer : lire encore, nager plus, écrire davantage, améliorer mes manières de penser. En allant une nouvelle fois vers la bouée qui sépare les nageurs des bateaux, je préparais mentalement ce texte-ci, que je n’eus plus qu’à dérouler sur le fichier LibreOffice après manger. Sentiment confus d’à la fois ne rien faire et d’en faire trop.

Pour dimanche, j’essaierai de travailler sur les deux livres des éditions Épousées par l’écorce reçus. Deux doubles-livres, devrais-je dire : Green Feelings/Espace à la couleur close d’Aurélie Foglia et Natacha Nikoulin, Ptérodactyles/Logistics : The Extend d’Étienne Vaunac et Gregory Chatonsky. J’ai travaillé ici sur des textes et des images, mais très rarement sur le rapport du texte à l’image ; ce sera l’occasion.

2 réflexions sur “Avancées (29) : 16 juillet 2025

  1. CHOSES VUES À LONDON LE 4 JANVIER 2023 J’ai deux textes sous mes yeux, un sur la forme, l’autre sur le côté apocryphe de toute langue poétique. Mais je vais les laisser reposer, ils sont trop informes pour les donner à lire tels quels. Hier j’ai vu deux choses dignes d’intérêt, un renard et un bateau. Le renard a pointé son visage par-dessus la haie du jardin de la maison dont je suis l’hôte, 23 Perrers Road, au sud-ouest de Londres : ce fut un éblouissement qui fit battre le cœur. Une heure après, j’étais à la National Gallery, devant la toile de Turner, où un remorqueur à vapeur tracte l’imposant navire à voile le Téméraire pour l’envoyer à la casse. Il y a presque douze ans, je me trouvais cassant ma plume, comme en étant de médium devant le même tableau. La forme, la langue apocryphe, Goupil, Turner, le Téméraire. La suite au prochain numéro.

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