Quand on commence à faire le compte de ses « avancées », ou « accomplissements », ou quelque chose de ce genre, une certaine tendance à l’auto-satisfaction risque de s’avancer. Il est facile de dire « j’ai fait cela, et cela, et cela ». Ce n’est pas seulement l’éternel débat entre quantité et qualité : c’est qu’en indiquant ce qu’on a réussi à faire, on ne fait pas la liste de ce qu’on n’a pas réussi à faire, ni de ce qu’on n’a pas su qu’il fallait faire, ni de ce qui aurait été beaucoup plus important à faire, etc. Quelqu’un qui observe de l’extérieur aurait ses propres valeurs trouvera certaines avancées absurdes, stupides, comme cet écrivain que j’apprécie qui trouvait méprisable que je m’intéresse autant à la poésie contemporaine. A l’inverse, cette semaine, si je dis : j’ai écrit mon article sur Grand Poisson de Fabrice Sanchez ; j’ai enfin écrit ma note sur le suicide de Ian Curtis ; j’ai été à un mariage et ai eu des discussions passionnantes avec les personnes présentes ; j’ai terminé La Prisonnière de Proust ; -si je dis cela, on pourrait croire que j’ai fait beaucoup de choses, mais on pourrait aussi avoir l’oeil de valeurs extérieures : je n’ai rien fait concernant la poésie (ni écrit, ni lu, ni réfléchi), je n’ai rien fait concernant la rentrée scolaire (relire les cours, etc.).
Cette angoisse-là, c’est l’angoisse de l’errance. J’envie ceux qui parviennent à produire des textes sériels de jour en jour (critiques, poèmes, éditos…), j’en suis incapable. Si je choisissais une discipline, j’aurais trop peur d’aller dans l’impasse : que des poèmes, ou que des critiques, ou que de la politique, ce serait mutiler telle ou telle autre part de l’expérience humaine. « Mutiler » est probablement un terme inapproprié, mais il est venu comme ça.
Je regarde des tableaux de Paul Klee. Je lis Carbone et Silicium de Mathieu Bablet et Vallée du silicium d’Alain Damasio. J’ai arrêté de faire du sport et arrêté d’apprendre le portugais. Momentanément ? Qui sait ? Je devrais écrire l’article que j’avais annoncé sur Charles Reznikoff, continuer la série sur les Minima Moralia, demander des services presse, avancer dans un livre de poésie, préparer mes cours. Peut-être le ferai-je. Qui sait ? Pas moi, en tout cas. Nous verrons la semaine prochaine. -Mais il y aura alors peut-être beaucoup à dire sur la rentrée scolaire. Ou peut-être pas, car je n’ai pas (encore?) voulu m’étendre en détails sur le sujet. Le rythme va revenir.
bon ben, il faudrait peut-être un peu se recentrer, là ! 😃
J’aimeJ’aime
ce qu’on fait, ce qu’on oublie, ce qu’on délaisse, ce qu’on arrête, ce qu’on reprend (et pour combien de temps ?)…. vertige de la liste, ou la vie tout simplement.
J’aimeAimé par 1 personne