Roue libre (4)

Jamais je ne suis parvenu à réduire l’opposition entre la tristesse de ce que j’écris et mon attitude plutôt légère dans la vie de tous les jours. Pourquoi, à chaque phrase sur le papier ou l’écran, le désespoir semble-t-il pointer son nez, alors qu’à l’oral c’est la recherche permanente du « bon mot » pour faire rire ou sourire ? Il y a peut-être, d’un côté, la formation des premières lectures : quelqu’un qui commence par le milieu du XIXe siècle (Baudelaire, Flaubert, Verlaine, Lautréamont, etc.) va forcément s’habituer à une écriture de désespoir féroce accompagné de quelques éclairs. De l’autre, la difficulté à … Continuer de lire Roue libre (4)

Roue libre (3)

Tout ce qu’un écrivain écrit avec son cœur est voué à l’oubli. Seules ses pitreries et ses demi-vérités seront retenues. Si elles le sont, car le plus probable est l’oubli complet. Souvent, je me rappelle de la dernière partie d’Anna Karénine, de loin la meilleure, et dont peu de gens se souviennent, voire que peu de gens ont lu, car elle se situe après le suicide d’Anna. Au début de ce livre, le personnage secondaire Serge Ivanovitch Koznychev publie son grand-oeuvre, un système politique qu’il a mis six ans à écrire. Il en attend un grand succès, des discussions passionnées, … Continuer de lire Roue libre (3)

Roue libre (3 février 2023)

Il fallait bien que la fatigue revienne, que les jours s’étirent à nouveau dans le vague. Tout le monde est fatigué, l’époque est fatiguée. On rêve de quitter la cohorte des fatigués pour retrouver l’élite des reposés, on craint de tomber dans le sous-sol des épuisés. Et les questions demeurent irrésolues : « Suis-je fatigué à cause d’un trouble interne ou d’un trouble externe ? Existe-t-il une solution personnelle pour tordre le cou à ce trouble ? Quelle est la place que prennent les crises mondiales (écologiques, sociales, éducatives) dans le fond de ce sentiment ? » On oscille entre haine de … Continuer de lire Roue libre (3 février 2023)