Les jours ont passé dans le trouble vague, puis la maladie. Bronchite de ma fille, toux des élèves, toux de moi-même, on se refile la toux les uns les autres et un cycle se forme d’où on n’arrive plus à sortir. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu droit à un arrêt maladie. Diagnostic de grippe, puis un début de semaine chez soi. Mais voilà, quand on nous donne enfin deux jours de repos, apparaissent tout ce qu’on n’a pas pu faire durant les dernières semaines, à cause du travail et de la fatigue accumulée. Mes proches savent que j’ai la manie absurde des listes, jusque dans l’organisation de mes journées. Mes listes de « choses à faire » n’ont jamais été aussi longues que pendant ces deux jours d’arrêt. Parvenir à une pause devient un vœu pieu.
De pause, s’il y en eut une, c’est dans l’écriture. Je n’ai, en fait, rien écrit pendant deux semaines, mis à part un petit article où j’ai proposé des fragments de traductions de chansons de Depeche Mode. Je m’installe dans le canapé et cherche à me détendre, mais plus je me détends, plus l’épuisement me gagne, un épuisement que des jours entiers à dormir ou à ne rien faire ne pourraient apaiser. A force de ne rien écrire, je sens comme un abcès dans mon esprit. Il me manque une clarté, une clarification qu’apporte l’écriture. J’entends là non pas l’activité créatrice, mais bien l’activité dialectique de représentation de soi (ou d’un soi) qui permet d’observer sa propre négation, de se mettre à distance, et tout simplement de réfléchir. La parole le permet aussi, à échelle moindre. La méditation semble pouvoir le permettre chez certains maîtres de cette activité, mais je ne suis pas de ceux-là. « Écrire par nécessité interne » signifie cela : écrire pour clarifier. Même quand on crée des labyrinthes, on veut clarifier une difficulté interne. Même les obscurs cherchent la lumière, -surtout eux, peut-être.
9 décembre 2022.