Écrire des haïkus ou des tankas n’est plus à la mode en France depuis longtemps, mais je ne peux pas m’en empêcher. Cette forme brève permet de jeter des éléments épars, des « choses vues », que l’on pourrait difficilement transcrite dans une forme plus longue, qui nécessiterait une dramaturgie, du moins une organisation. Le rythme 5 / 7 / 5 / 7 / 7 a le mérite de la mélodie et d’un semblant de prosodie, tout en permettant de fait une liberté plus que large. Je m’y tiens, non par rigueur, mais par habitude, en gardant la règle traditionnelle du –e-. Les puristes verront sans doute dans mes choix d’images et dans la présence sporadique des marques de première ou deuxième personne des trahisons du tanka originel ; je reprends cette forme à mon compte et ne prétends à aucune sorte de tradition instituée. J’espère simplement avoir rendu certaines images qui ont parsemé ces dernières semaines.
la neige est encore
tombée sur la longue route –
les feux sont éteints –
un camion dans le fossé
s’étale – triste colosse
au lycée la joie
des élèves et collègues
semble artificielle –
rires tristes sous le ciel
gris – un rien les brisera
le calme soudain
nous surprend près de midi –
un pâle soleil
traverse enfin les nuages –
l’ordinateur m’éblouit
je me répétais
un mantra : « passer l’hiver » –
lisant un roman
de Virginia Woolf je me
perdais dans les mots épars
le capot ouvert
dévoile l’imbroglio
incompréhensible
pour moi pauvre littéraire –
je ris alors sans raison
un vieil homme tremble
devant la pompe à essence –
la nuit part à peine –
un autre apparaît et l’aide
à choisir son carburant
une sale odeur
se diffuse dans la pièce –
chacun se regarde
avec gêne – dehors tombe
la pluie qui dissout la neige
rendre compte ainsi
de menus détails fugaces –
parfois ridicules –
pour les laisser retomber
loin de l’angoisse du jour
éclairer l’image
de la voiture garée
sous le lampadaire –
les manteaux frissonnent
sur le trottoir verglacé
je n’en peux plus de
moi-même – ce besoin de
parler sans arrêt –
d’étaler mes pensées –
mes réflexions dérisoires
pourquoi cette larme
a-t-elle coulé ? – demain
il fera meilleur –
un conflit a éclaté
dans le couloir de l’immeuble
les stickers « en grève »
essaiment sur les casiers –
les branches blanchies
ploient sous le poids des années –
jour de manifestation
le cortège avance
dans le triangle des rues
tranquille et paisible –
on marche contre le froid –
on marche pour la chaleur
l’hiver finira
un jour peut-être dit-on –
le printemps sera
chaud – on oublie un instant
la grisaille de sol et ciel
la bibliothèque
demeure sage et sereine –
contre le chauffage
tu lis avec un sourire
le livre bientôt écrit
Le livre que l’on écrit ou écrira soi-même verra un premier lecteur étonné voire ébloui. 🙂
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