Quinze tankas de janvier 2023

Écrire des haïkus ou des tankas n’est plus à la mode en France depuis longtemps, mais je ne peux pas m’en empêcher. Cette forme brève permet de jeter des éléments épars, des « choses vues », que l’on pourrait difficilement transcrite dans une forme plus longue, qui nécessiterait une dramaturgie, du moins une organisation. Le rythme 5 / 7 / 5 / 7 / 7 a le mérite de la mélodie et d’un semblant de prosodie, tout en permettant de fait une liberté plus que large. Je m’y tiens, non par rigueur, mais par habitude, en gardant la règle traditionnelle du –e-. Les puristes verront sans doute dans mes choix d’images et dans la présence sporadique des marques de première ou deuxième personne des trahisons du tanka originel ; je reprends cette forme à mon compte et ne prétends à aucune sorte de tradition instituée. J’espère simplement avoir rendu certaines  images qui ont parsemé ces dernières semaines.

la neige est encore

tombée sur la longue route –

les feux sont éteints –

            un camion dans le fossé

            s’étale – triste colosse

au lycée la joie

des élèves et collègues

semble artificielle –

            rires tristes sous le ciel

            gris – un rien les brisera

le calme soudain

nous surprend près de midi –

un pâle soleil

            traverse enfin les nuages –

            l’ordinateur m’éblouit

je me répétais

un mantra : « passer l’hiver » –

lisant un roman

            de Virginia Woolf je me

            perdais dans les mots épars

le capot ouvert

dévoile l’imbroglio

incompréhensible

            pour moi pauvre littéraire –

            je ris alors sans raison

un vieil homme tremble

devant la pompe à essence –

la nuit part à peine –

            un autre apparaît et l’aide

            à choisir son carburant

une sale odeur

se diffuse dans la pièce –

chacun se regarde

            avec gêne – dehors tombe

            la pluie qui dissout la neige

rendre compte ainsi

de menus détails fugaces –

parfois ridicules –

            pour les laisser retomber

            loin de l’angoisse du jour

éclairer l’image

de la voiture garée

sous le lampadaire –

            les manteaux frissonnent

            sur le trottoir verglacé

je n’en peux plus de

moi-même – ce besoin de

parler sans arrêt –

            d’étaler mes pensées –

            mes réflexions dérisoires

pourquoi cette larme

a-t-elle coulé ? – demain

il fera meilleur –

            un conflit a éclaté

            dans le couloir de l’immeuble

les stickers « en grève »

essaiment sur les casiers –

les branches blanchies

            ploient sous le poids des années –

            jour de manifestation

le cortège avance

dans le triangle des rues

tranquille et paisible –

            on marche contre le froid –

            on marche pour la chaleur

l’hiver finira

un jour peut-être dit-on –

le printemps sera

            chaud – on oublie un instant

            la grisaille de sol et ciel

la bibliothèque

demeure sage et sereine –

contre le chauffage

            tu lis avec un sourire

            le livre bientôt écrit

Une réflexion sur “Quinze tankas de janvier 2023

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