Recherches poétiques, 1

            L’idée est simple. Chaque dimanche, à 18 heures, publier un texte qui ressemble de quelques manières (réflexion, critique, notule, tentative de poème) à une « recherche poétique ». Ce serait, en quelque sorte, le testament de la semaine.

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            Pourquoi la poésie ? A cette question, beaucoup sont tentés de donner de vastes réponses : un désir de beauté absolue ; un besoin de mise à distance du langage en tant que langage ; une activité de distinction sociale ; etc. Néanmoins, la poésie demeure ce qui échappe aux vastes définitions, -et c’est l’un de ses principaux attraits, comme l’une de ses principales obscurités ; ce pour quoi elle attire et repousse autant à la fois.

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            De la poésie comme artisanat du mot et du rythme (Malherbe, Ponge, Roubaud) à la poésie comme révélation mystique d’un vrai monde (Rimbaud, les surréalistes), des kyrielles de mondes et de définitions s’entrechoquent. Chacun y va de son hypothèse vindicative. Les plus habiles en changent à travers leur existence, chaque hypothèse singulière sur ce qu’est la poésie permettant de créer des poèmes singuliers, -les théories sur la poésie se justifient par leur mise en pratique.

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            Peut-on écrire sur la poésie autrement qu’avec un poème ?

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            Un de nos problèmes contemporains est celui de la désignation, du vocabulaire spécifique pour décrire la nature, les sentiments, les objets. Le vocabulaire contemporain est très pauvre, et d’ailleurs, à utiliser un vocabulaire spécifique, on craindrait d’être compris par trop peu. Soi-même on n’est pas bien sûr du nom des arbres, des fleurs, des objets techniques, mis à part des plus connus de chaque catégorie.

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            Un autre problème, plus profond peut-être, est celui du ton.  Le panorama moderne nous offre toutes les oscillations possibles, de la prophétie poétique lancée depuis les brumes des sommets, jusqu’à la franche rigolade émaillée de paronomases. On voudrait bien sûr trouver un juste milieu, ou une oscillation équilibrée, -exercice difficile.

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Deux mille cinq cents ans que les poètes se plaignent du déclin de la poésie. Le fait que la poésie soit en crise semble le signe principal de son existence.

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je disais cela : j’écrirai des sonates

je disais cela et appelai mes précédents poèmes préludes

mauvais pour la plupart                  

quelques-uns peut-être feraient matière

pour travail plus ample          

sonate

j’avais déjà un titre    

Voyage dans l’effondrement             

titre pensé

pour un précédent recueil

jamais mis au jour

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ainsi commençai-je sur un air de Domenico Scarlatti

guilleret comme un clavecin et déjà loin de mon sujet

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poésie joyeuse est chose presque impossible

tout comme la mallarméenne licorne enflammée

            – sur le retable une énigme

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je disais cela : difficile poésie joyeuse

difficiles élans au-delà du poids des mots

au-delà des lois de la pesanteur verbale

de ces années grises qui nous redescendent

comme un ascenseur transportant un caillou

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d’un bond j’allai vers la façade qui s’effritait

le mur se couvrait de moisissures et j’étais

fasciné            émerveillé par l’horreur comme tous

les intellectuels de moyenne facture

je songeais à Baudelaire mais il me manquait

les hyperboliques résidus du romantisme

j’étais seul       émerveillé par la laideur comme tous

les poètes de moyenne facture

Nosferalis, 28 août 2022.

2 réflexions sur “Recherches poétiques, 1

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