Je découvre un extrait de Danubiennement de Laurent Schlechter (https://poezibao.typepad.com/poezibao/2022/08/anthologie-permanente-lambert-schlechter-danubiennement-24-proseries-le-murmure-du-monde-10.html), tout à fait mon type, une seule phrase scandée de virgules, les virgules remplaçant le retour à la ligne, un certain art de la répétition, quelque chose proche des chapitres de Krasnahorkai dans Guerre & Guerre, pas vraiment comme Claude Simon, même s’il y a parenté, mais Claude Simon comme Krasnahorkai (ou Thomas Bernhard, ou d’autres grands prosateurs du 20e, ce siècle où les grands romanciers étaient tous plus ou moins poètes, « je suis un poète raté », c’est Faulkner qui parle) se font plus narratifs, alors que Schlechter se conçoit sans doute comme poète, il faudrait que j’achète son livre, il est rare que je rencontre un extrait qui me semble si proche du souffle que je cherche, et encore ici ne l’utilisé-je que rapidement, dans l’urgence, le sien est bien meilleur, bien plus travaillé, il y a union du vocabulaire technique et du langage oral, nombreux jeux de son (allitérations, assonances, paronomases), et bien sûr la réflexion sur la poésie, ou sur la « poétologie de la phrase », l’intéressant aussi dans l’usage de sa syntaxe, c’est la manière dont une virgule peut indiquer une reformulation, une poursuite ou une rupture, et la virgule suivante peut soit amener l’esprit d’escalier, soit revenir au point d’avant la première virgule, tantôt A-A-B, tantôt A-B-C, tantôt A-B-A, le tout se complexifiant à la virgule suivante, pouvant ramener à un point situé dix virgules plus tôt, on peut dire, je pense, que Thomas Bernhard a formalisé ce procédé, mais il l’utilise pour créer des litanies, de longues plaintes répétitives sur la médiocrité et l’horreur du monde, tandis que l’ironie de Schlechter est plus légère, on le sent parfois sourire derrière le texte, c’est réjouissant, la poésie devrait nous réjouir.
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Ou alors, une autre manière.
Un autre rythme.
Quelque chose comme dans Mahmoud ou la montée des eaux
d’Antoine Wauters.
Le vers comme marque syntaxique, avec
parfois de petites ruptures, justifiées par
l’indétermination, le trouble qu’on veut apporter.
Avec, ou pas, une narration, un discours,
en vérité assez proche du roman (le livre de Wauters
est classé parmi les romans), mais où le vers
marque un arrêt sur le mot, sa beauté ou sa violence.
(Le vers est d’autant plus important dans le livre de Wauters
que ses personnages sont un couple de poètes.)
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Il faudra ensuite décider ce qu’on fait de l’oralité.
Toujours cette ambivalence beau style/oralité,
qui recoupe en partie les niveaux de langue (familier/soutenu).
Le risque de l’académisme, le risque de la démagogie.
Cela ne sera pas tranché aujourd’hui.
On verra.
Nosferalis, 4 septembre 2022.
Une réflexion sur “Recherches poétiques, 2”